Prospective

Cette prospective a été coordonnée par Catherine Jeandel, CNRS, LEGOS, Université de Toulouse

Remerciements

La première prospective de la Très Grande Infrastructure de Recherche « Flotte Océanographique Française » (FOF) n’aurait pu se faire sans la participation volontaire et active de nombreux représentants de la communauté des utilisateurs de la FOF. Cette dernière étant multifonctionnelle, ont participé à cette prospective les acteurs et actrices de la recherche fondamentale dans tous les domaines de l’océanographie, les enseignants qui développent des enseignements embarqués, les ingénieurs et techniciens en charge des parcs instrumentaux et de la recherche et développement technologique, et enfin les acteurs des missions de service public, en particulier les halieutes et ingénieurs en charge de répondre aux contraintes des directives cadre (sur l’eau, sur la stratégie du milieu marin soit DCE et DCSMM).

Entre novembre 2016 et fin avril 2017, 6 mois intensifs au cours desquels les membres des 10 groupes de travail ont interagit activement que ce soit au sein de leur groupe ou avec leurs collègues dans les laboratoires, ce qui a permis la consultation la plus large possible. Les visio conférences multi sites furent nombreuses. Les animateurs des groupes ont été particulièrement actifs à me faire remonter les réflexions menées à tous les niveaux. Des rencontres avec l’équipe mission flotte mandatée par le PDG de l’Ifremer ont eu lieu régulièrement. Les échanges avec les membres des Commissions Nationales Hauturières et Côtières, avec les membres du Comité d’Orientation Stratégique et Scientifique et ceux du Comité Directeur de la FOF ont été aussi mis en place. Plus inattendu, j’ai été amenée à rencontrer certains porteurs de projet de navires privés, innovants et porteurs de propositions éventuelles pour la communauté scientifique.

Ce préambule me donne l’opportunité de remercier chaleureusement tous ces acteurs avec lesquels le dialogue fut dynamique, sincère et constructif. La liste complète des participants est proposée en annexe 2 de ce document.

Cet exercice a été mené dans une grande liberté de dialogue entre tous les utilisateurs de la FOF, et a engendré de nombreux échanges contradictoires et constructifs. Je tiens en particulier à remercier François Jacq, Pascale Delecluse et Frédéric Ménard pour leur appui respectueux à l'accomplissement de ce travail.

Je tiens par ailleurs à remercier plus spécifiquement et chaleureusement Felipe Artigas, Jérôme Aucan, Thomas Changeux, Valérie Chavagnac, Patrick Farcy, Eric Foucher, Jacques Grelet, Antoine Gremare, Cécile Guieu, François Lallier, Pascal Morin, Patrick Raimbault, Emmanuel de Saint Léger, Daniel Sauter et Virginie Thierry,  soit les « animateurs de groupe » qui ont toujours répondu avec réactivité et enthousiasme à mes pressions par moments  exigeantes et pénibles, je n’en doute pas ! Merci à toutes et tous pour votre soutien infaillible et votre humeur égale et bienveillante.

Toute ma gratitude aux personnes qui se sont impliquées dans les relectures complètes et la co-édition de ce document, en particulier Valérie Bout-Roumazeille, Thomas Changeux, Patrick Farcy, François Lallier, Gilles Reverdin et Virginie Thierry. Leurs regards attentifs et les mises en forme de Thomas ont donné à ce document sa facture actuelle.

Une mention particulière à Olivier Lefort et Emmanuel Alessandrini pour leur implication dans les rédactions des fiches PIA3, que nous avons dû réaliser en cours de réflexion prospective ainsi que pour leurs avis éclairés sur des questions plus techniques…comme celle du rapport entre longueur, tirant d’eau et stabilité d’un navire !

Philippe Bertrand, Lise Fechner et les membres de l’équipe « Flotte » sont aussi remerciés pour leur écoute attentive lors de nos rencontres. Même reconnaissance envers Eric Humler pour sa présence au colloque prospectif.

Je tiens remercier aussi Fredéric Merceur, Alain Zasadzinski et aux équipes de la Bibliothèque La Peyrouse et de l’INIST dont le travail de compilation et de mise à jour bibliographique tout au long de l’année 2016 a permis la réalisation du chapitre éponyme de ce document.

Le colloque prospectif des 8 et 9 mars 2017 s’est déroulé à l’Institut de Physique du Globe de Paris, grâce à l’invitation et l’accueil chaleureux de Javier Escartin.

Enfin, Nadine Rossignol nous a soutenus avec grande efficacité tout au long de ce processus de prospective que ce soit pour les mises en place de réunion, le suivi des missions et bien sûr l’organisation du colloque. Merci Nadine !

 

Catherine Jeandel

Présidente du COSS

Coordinatrice de la prospective FOF

Résumé Exécutif

La première prospective scientifique de la Flotte Océanographique Française s’est déroulée entre le 30 Octobre 2016 et le 31 mai 2017. Elle a fédéré les réflexions de plus de 100 acteurs et utilisateurs de la FOF, répartis en 10 groupes de travail, lesquels étaient animés par un ou deux scientifiques compétents dans le thème du groupe (détails en Annexe 2). Ces groupes de travail permettaient de couvrir toutes les activités de la FOF, qu’elles soient scientifiques, enseignement, technologiques ou Service Public. Un colloque organisé à l’Institut de Physique du Globe de Paris les 8 et 9 mars 2017 a permis aux animateurs de se rencontrer, d’échanger, d’identifier des manques dans les documents réalisés jusqu’alors, et de discuter des questions prospectives dans chaque domaine et aux interfaces entre les communautés.  Ce colloque a aussi permis une discussion ouverte, constructive et particulièrement dynamique sur les fonctions actuelles de la FOF, la répartition des navires en réponse à ces fonctions, les besoins en navires, engins profonds et évolutions attendues pour le futur.

Le bilan scientifique met en exergue le dynamisme et la qualité de l’activité des 3600 acteurs qui constituent le corpus des utilisateurs, directs et indirects, de la FOF. Le bilan d’activité des navires est dressé sur les 5 dernières années, la bibliométrie est établie entre 2000 et 2014.  Les enjeux des grands domaines scientifiques (Géosciences Marines, Physique-Biologie et Cycles des éléments, Biologie-Ecologie-Biodiversité, Halieutique) sont rappelés et illustrés par deux résultats  sélectionnés pour chaque domaine, un en côtier, un en hauturier. Les services d’observation labellisés sont décrits et eux aussi illustrés par trois résultats récents. L’activité d’enseignement embarqué est décrite. Les forces et difficultés sont traitées à l’échelle de toute la communauté, puis exprimées un peu plus spécifiquement par domaines d’activité.

La prospective, d’abord présentée par domaine scientifique, laisse une large part à des questions interdisciplinaires (échange océan-atmosphère et climat, transition continent-océan, hydrothermalisme profond, éléments chimiques et cellule vivante) et aux besoins en moyens attendus pour répondre aux enjeux de demain.

L’objet de ce résumé n’est pas de reprendre le contenu des bilans et prospectives scientifiques. Il s’agit plutôt de lister en quelques lignes les forces et difficultés essentielles rencontrées par la communauté pour fonctionner aujourd’hui et les besoins en navires et évolution de la FOF pour les 15 années à venir.

 

Forces globales de la communauté

  • Une communauté significative, de l’ordre de 1800 personnes en poste (3600 en comptant les doctorants et contractuels), qui se distribue en 1/4 en géosciences, 1/3 en physique-chimie-cycles et une petite moitié en biologie-écologie-biodiversité et halieutique.
  • Un fort impact de la communauté française au sein des grands programmes internationaux, dans lesquels elle s’implique comme leader ou membre actifs.
  • Des publications nombreuses, dans des revues à comité de lecture à taux d’impact élevé (JGR, Science, Nature, Nature Géosciences, PNAS…)
  • Une formation des étudiants et des jeunes chercheurs de qualité grâce à l’enseignement embarqué
  • Une expertise et une haute technicité des équipes techniques associée à une R&D de très grande qualité
  • Un système d’évaluation par les pairs d’une grande exigence, garant de qualité.
  • Un suivi a posteriori de la valorisation des campagnes qui donne une grande visibilité des activités de la FOF.

Difficultés de fonctionnement et suggestions

  • Difficulté majeure pour les équipes scientifiques à financer la réalisation des campagnes en mer et l’activité scientifique qui en découlent. Ce verrou financier entrave le dynamisme et la compétitivité des équipes de recherches françaises. Ce financement est relativement faible comparé au coût des jours de mer, mais indispensable pour permettre aux équipes d’assurer des recherches de haut niveau dans des délais compétitifs. Satisfaire la demande des scientifiques de disposer d’un guichet unique pour financer les projets de recherche s’appuyant sur la TGIR est crucial pour l’avenir et le bon fonctionnement de la TGIR.
  • Besoin d’une aide concrète au sein de la FOF, organisée et efficace pour la logistique et l’organisation des campagnes.
  • Besoin de relais de communication institutionnelle permettant de donner une visibilité médiatique à la FOF, visibilité trop souvent effacée derrière des actions privées et cependant marginales scientifiquement (voire très peu scientifiques pour certaines).
  • Besoin fortement appuyé par l’ensemble de la communauté: il est essentiel qu’un (une) ingénieur embarquant-e soit aussi présent-e dès les réunions de préparation des campagnes et assure en responsabilité le lien terre-mer.
  • Besoin fort d’une harmonisation de fonctionnement des parcs instrumentaux et OBS, et d’un recensement des matériels disponibles et de leur mise à disposition (sur les modèles des US IMAGO et DT INSU).

Contexte  actuel de la composition de la FOF et alertes

  • Sortie de flotte à prévoir d’ici un an du Thalia, qui suit de peu celle du Gwen Drez et du Suroit, alors que le Côte d’Aquitaine n’a jamais été remplacé.
  • Vieillissement inquiétant pour la sécurité de l’Alis, doublé d’une augmentation de son coût de fonctionnement.
  • Besoin d’agrandir et de faire évoluer le Côtes de la Manche en équipements acoustiques et haute technologie, et de lui permettre plus de pluridisciplinarité.
  • Besoin de répondre à des exigences de travaux en petits fonds

Synthèse des demandes navires et engins profonds

  • Flotte de station : remplacement du Sépia II particulièrement urgent.
  • Besoin identifié de DEUX navires de taille intermédiaire (description détaillée en annexe 8)
    • Atlantique–Méditerranée, env. 40m, 15 scientifiques, rayonnement côte-bord de plateau.
    • Pacifique-Indien, env. 35m, 12 scientifiques, rayonnement du Vietnam à la Nouvelle Zélande.
  • Modernisation du Côtes de la Manche réaffirmé : augmentation du nombre de places, autonomie, possibilités chalutages, sondeurs de qualité en géosciences, possibilité carottages.
  • Besoin d’un navire opérant par faibles fonds pour des exigences halieutique, géosciences côtière et service public: 25-30 m, 10-12 scientifiques, zones côtières faible tirant d’eau. La montée en puissance des contraintes de Service Public est évaluée à environ 150 jours annuels pour la DCSMM et environ 100 aussi pour la sécurité en mer (SHOM, SOLAS) : il faudra y faire face.
  • Un message fort sur les engins profonds : le comité recommande de conserver deux engins submersibles grande profondeur (6000 m) opérationnels, HOV Nautile et ROV Victor, dont la complémentarité et l’association avec l’AUV 6000 (réalisation en cours) garantiront de pouvoir réaliser tous types d’intervention.
  • Envisager le remplacement du Téthys II, à échéance 2030.

Introduction

L’océanographie au sens large a pour objectif de comprendre le fonctionnement actuel et passé des océans et de ses interactions avec l’atmosphère et les continents. Concrètement, il s’agit de comprendre la dynamique du fluide, sa chimie et son rôle sur le climat mais aussi le développement de la vie dans les océans, sa diversité, la structure et le fonctionnement des nombreux écosystèmes qui s’y développent et constituent une ressource alimentaire et économique essentielle pour l’humanité; la mémorisation de ces informations au cours des temps géologiques dans les sédiments et les mouvements de ces derniers ; la tectonique et la géodynamique des fonds, miroirs de l’activité tellurique. Par conséquent, toutes les disciplines fondamentales sont impliquées dans ces défis, physiciens et chimistes, biologistes, halieutes et écologues, géologues et géochimistes, voire mathématiciens dans le développement de modèles souvent complexes. Les juristes sont aussi fortement sollicités pour tout ce qui a trait au droit de la mer en perpétuelle évolution. Géographes, sociologues et anthropologues s’impliquent quant à eux dans les questions de changement global (urbanisation, littoral…), d’éthique et sociologiques. Compte tenu de la taille de l’objet océan, qui couvre 71% de la surface de la Terre, et de l’importance des enjeux qui lui sont associés, les activités des océanographes sont par essence internationales et collaboratives. Les grands programmes de recherche dans lesquelles elles s’inscrivent sont co-optés au niveau mondial, académiques et garants d’une recherche indépendante. Pour le bénéfice de la société, il est essentiel que les mesures acquises en un lieu et à un instant ou pour une période donnée puissent être intégrées à celles acquises par les autres acteurs de la communauté mondiale, afin de nourrir les exigences de la connaissance de ce milieu difficile d’accès. Au-delà des publications dans des revues de très haut niveau, cette diffusion repose aussi sur la construction de centres interactifs de données.

L’océanographie constitue une approche multidisciplinaire de choix pour l’enseignement depuis l’Ecole jusqu’aux Universités, et au sein de celles-ci, dans les enseignements généraux et spécialisés de la formation à la recherche scientifique, de la Licence au Doctorat, ainsi que de la formation des techniciens et ingénieurs. Enfin, les thématiques des recherches en océanographie préoccupent de plus en plus la société civile concernée par le maintien de l’océan en bon état écologique, sa surveillance et l’exploitation durable de ses ressources. Les recherches en océanographie constituent donc un matériel de choix pour de nombreux centres de divulgation scientifique tout public et leurs actions de communication.

Ces recherches, et les actions d’enseignement et de divulgation scientifique associées, s’appuient sur des données et des prélèvements acquis in situ (eaux, sédiments, organismes, roches…) et, pour certaines thématiques, sur des données spatiales et des modèles numériques. L’acquisition des données et échantillons in situ repose sur des moyens navals de très haute technologie, navires océanographiques et véhicules dédiés pour l’exploration des abysses.

La Très Grande Infrastructure de Recherche Flotte Océanographique Française (TGIR FOF, présentée en annexe 1) regroupe l'ensemble des moyens navals français appartenant aux quatre organismes fondateurs (CNRS, IFREMER, IPEV, IRD). Elle se compose principalement des navires hauturiers, côtiers et de station (de longueur supérieure à 10 m), des équipements lourds associés (Nautile, ROV Victor 6000), et les équipements communs mobiles (système non-contaminant de prélèvement d’eau de mer, sismographes, carottiers, ...). La spécificité de la FOF dans le paysage international des flottes océanographiques est la multiplicité de ses fonctions (recherche académique, opérationnelle, observation, enseignement, service public, contrats privés), alors que dans la plupart des autres pays, les flottes océanographiques sont uniquement académiques.

Ses utilisateurs étant de domaines scientifiques différents, les équipements doivent être en adéquation avec ces usages variés. La diversité et la complexité des thématiques de recherche, la mise en œuvre de ces moyens lourds ainsi que la dimension de l’objet océan nécessitent le montage de projets collaboratifs au niveau national et/ou international et une coordination complexe. La FOF a par ailleurs un rôle majeur dans les recherches océanographiques menées avec les pays du Sud, que ce soit à travers les collaborations internationales ou les engagements outre-mer (OM). Cet enjeu est important, l’outre-mer représentant 97% de la ZEE et 68% du linéaire côtier français dans 4 océans différents (Atlantique, Indien, Pacifique, Austral). Du fait de l’éloignement, les recherches menées en outre-mer imposent des contraintes particulières, notamment de logistique, aux chercheurs et ingénieurs océanographes. Dans le cadre de la réorganisation de la FOF sur commande du secrétaire d’état à la recherche et dans l’objectif d’optimiser au mieux l’utilisation de cette infrastructure, il nous a semblé pertinent de proposer une prospective scientifique dédiée à la TGIR FOF.

Il s’agit d’exprimer les enjeux et verrous scientifiques pour les 15 années à venir, de formaliser les fonctions attendues par les différentes plateformes de la TGIR, de décliner les développements et moyens requis pour soutenir ces recherches et permettre à la communauté nationale de conforter sa place au plus haut niveau dans le paysage mondial de l’océanographie.

La présente prospective s’appuie sur i) les différentes prospectives discutées dans le courant des 3 dernières années au sein de l’INSU (qui présentent l’intérêt d’être trans-organismes) pour le milieu côtier comme hauturier, incluant en particulier les géosciences, l’océanographie physique, chimique et biologique, le fonctionnement du climat de la terre, les contraintes d’observatoires nationaux en métropole comme en outre-mer; ii) la prospective de l’INEE qui s’est concrétisée par un colloque fin février 2017 en biologie, écologie et biodiversité, là encore du littoral aux abysses ; iii) les enjeux nationaux et internationaux autour de la pêche; iv) les conclusions du colloque « techno-flotte » qui s’est tenu à l’INSU en 2015; v) les autres contraintes de la FOF, en particulier celles de besoins en enseignement et de service public. Elle a été menée en concertation avec 10 animateurs de groupes de travail thématiques, la définition de ces groupes (entre 10 et 20 membres) est proposée en annexe 2. Un colloque a permis de confronter les retours des groupes les 8 et 9 mars à l’IPG Paris. Au total, plus de 100 utilisateurs de la FOF ont travaillé au brassage d’idées de cette prospective.

Pour des raisons d’efficacité, ce document est une synthèse, les liens et documents d’origine sont proposés dans des annexes (1 à 9).