2.4. Les besoins en termes d'évolution de la flotte, des moyens à la mer et du soutien humain
2.4.1. Besoins en navires et engins profonds
- Domaine littoral : le comité prospectif souligne l’importance cruciale des navires de station dont l’accessibilité et la souplesse de programmation doivent être préservées. Une évaluation a posteriori des campagnes est recommandée notamment en termes d’archivage et de valorisation des données et échantillons recueillis sur ces navires. L’importance de prévoir le remplacement du navire de station Sepia II, le plus ancien navire de cette flotte (1984), est soulignée. Ce navire joue un rôle essentiel dans la recherche, l’observation (réseau SOMLIT, REPHY, SRN, RESOMAR, futur réseau d’observation du phytoplancton-PhytObs) et du zooplancton-ZooObs), l’enseignement (au moins 3 Masters adossés, UE de Licence, stages d’accueil nationaux et internationaux), ainsi que le service public (DCE, DCSMM) et la participation actions de communication et vulgarisation scientifique (Fêtes de la Mer, Journée Mondiale de l'Océan, Fêtes de la Science) et appui aux centres de vulgarisation scientifique maritime (Nausicaa, MAREIS).
- Domaine côtier et bord de plateau: le besoin d’un navire pour accéder aux tout petits fonds (estuaires sur la façade Manche-Atlantique, tirant d’eau de 3 m environ) a été exprimé et des solutions proposées, en particulier autour du redéploiement de l’Antea. Le besoin d’un navire intermédiaire (35-40m, 15 scientifiques) à déployer sur la zone Atlantique-Méditerranée pour réaliser des campagnes côtières pluri-disciplinaires et pour remplir la plupart des missions d’observation scientifiques est cependant ressorti comme prépondérant (voir 1.4.3, 1.5.1, 2.1.5, 2.4.4). Une fiche a été transmise au MENESR pour être portée au PIA3. Un document plus exhaustif décrivant avec détails le navire de taille intermédiaire attendu est proposé en annexe 8. La modernisation du Côtes de la Manche (et sa « jumboisation »), avec installation de matériel de chalutage et sondeurs multifaisceaux, de sédiments et augmentation de places à bord est considérée comme une priorité. Une définition exacte des équipements à installer à bord devra se faire en interaction avec l’armement de l’INSU.
- Le remplacement de l’Alis (sortie de Flotte 2025 au plus tard) doit impérativement être envisagé. On s’oriente a priori aussi vers un navire intermédiaire (35-40m ; 15 scientifiques) sur la zone Indien-Pacifique pouvant assurer des campagnes côtières et hauturières en mettant en œuvre de manière efficace des équipements variés : chalut, benne, petit ROV, etc.,…Basé à Nouméa, l’Alis réalise régulièrement des campagnes en Physique, Biologie et Géophysique dans le Pacifique Sud, de la Papouasie Nouvelle-Guinée à la Polynésie Française. Sa capacité d’embarquement de 6 scientifiques est notoirement insuffisante Les spécifications de ce navire de taille intermédiaire « Pacifique » sont aussi décrites plus précisément dans le document proposé en Annexe 8.
- Mers englacées : Le seul brise-glace français, l’Astrolabe (ou son futur remplaçant), n’est pas un bateau de recherche. Son utilisation pour l’océanographie au large de la Terre Adélie, subordonnée à la logistique de ravitaillement de la base française de Dumont D’Urville, est toujours restée limitée du fait des fortes contraintes logistiques pesant sur la programmation du bateau et conduisant à une offre de temps bateau réduite et très occasionnelle pour les activités de recherche, qui plus est dans un périmètre géographique très contraint (la région côtière de la Terre Adélie). L’accès à un navire polaire équipé pour la recherche scientifique est le dispositif incontournable d’une recherche de qualité sur les océans et leurs interfaces en Arctique et en Antarctique. En effet, celle-ci doit pouvoir s’appuyer sur des stratégies d’échantillonnage et une programmation maitrisées, tant pour des déploiements et récupérations d’équipements que pour des programmes de prélèvements et de mesures de terrain d’envergure. Des dispositifs d’accès aux bateaux des pays dotés de moyens polaires sont actuellement en cours de réflexion au niveau européen et international (en particulier pour l’Arctique, ARICE), ceux-ci restent des solutions d’appoint et n’auront pas vocation à répondre aux besoins importants de notre communauté sur les deux pôles.
- Plus spécifiquement pour l’halieutique et les exigences croissantes des services publics (DCSMM), envisager un nouveau navire de taille moyenne (25-30 m) permettant le chalutage (chaluts à panneau et à perche) et le dragage est indispensable en remplacement des N/O Gwen Drez et Thalia pour l’évaluation des ressources halieutiques vertébrées et invertébrées en zone côtière et très côtière (i.e., tirant d’eau adapté aux faibles profondeurs, soit moins de 3,50m). Ce navire devrait être en capacité d’accueillir 10 à 12 scientifiques et équipé pour couvrir d’autres compartiments en plus du chalutage halieutique pour une approche écosystémique : profils hydrologiques verticaux type CTD, prélèvements hydrologiques (matière organique et phytoplancton : bouteille Niskin), prélèvement zooplanctonique (filet WP2 et Bongo), échantillonnage d’ichtyoplancton (filet MIK), échantillonnage d’œufs (CUFES miniaturisé).
- Domaine hauturier benthique profond : le comité prospectif recommande de conserver deux engins submersibles grande profondeur (6000 m) opérationnels, HOV Nautile et ROV Victor, dont la complémentarité et l’association avec l’AUV 6000 (réalisation en cours) garantiront de pouvoir réaliser tous types d’intervention (de l’exploration au chantier d’observation, cf 2.1.3; Annexe 5). Le HOV Nautile est un moyen possédant une valeur ajoutée (charge utile, mobilité, manipulation en visuel direct) pour les interventions au fond, complémentant parfaitement le ROV Victor, adapté aux approches de types chantier avec ascenseur dédié en plongées longues permettant des mesures répétées, prélèvements et observations vidéo. Il est nécessaire d’assurer la pérennité et l’évolution de ces deux engins et d’en renforcer la complémentarité pour les 20 prochaines années, non seulement pour répondre aux besoins scientifiques mais aussi en appui à la politique publique. Par exemple, il est recommandé de réfléchir à opérer le ROV Victor tout en déployant d’autres équipements au fond par câble (ascenseur, mouillages) afin de limiter au maximum les lests de mouillage laissés en fond de mer. Sont aussi soulignés le besoin d’améliorer la panoplie de capteurs physiques et chimiques sur les engins et le développement d’une sismique numérique.
2.4.2. Faire évoluer les équipements des navires
En ce qui concerne les équipements des navires, sont soulignés :
- L’importance de moderniser les équipements des navires, comme par exemple l’acquisition d’un câble électro-porteur pour les prélèvements de surface (carottiers, ...), tels qu'en sont équipés les navires allemands ( R/V Meteor par ex.), et d’un câble opto-porteur pour le SCAMPI afin de remonter en temps réel la video HD (nouvelle caméra) et de lui redonner la possibilité d'atteindre les 6000m.
- Maintenir en bon état le système complet de prélèvement propre, et développer le plus largement possible l’utilisation de câbles kevlar pour opérer les CTD rosette dépourvues de métal.
- Développer la faisabilité de carottages longs à bord des navires hauturiers et côtiers, un enjeu important pour la FOF. Un groupe de travail a été mis en place pour mener une réflexion sur l’étude des différents outils de prélèvement, leur amélioration et leur implémentation sur des navires de l’IFREMER, comme l’implémentation du carottage CALYPSO sur l’Atalante.
- Etudier la faisabilité de réaliser des mesures systématiques de cartographie des fonds marins pendant les transits, ce qui comblerait de façon optimisée le manque de données notamment sur les plaines abyssales, loin des frontières de plaques.
- En domaine hauturier ainsi que côtier pélagique, il est fortement souhaité de développer la valorisation des transits et des missions via la mise en place de capteurs bio-optiques et biogéochimiques automatisés connectés à des points d'arrivée d'eau de mer propre alimentant des thermo-salinomètres (existants) et des systèmes multi-analyses en continu de type FerryBox ou Pocket Ferrybox.
- Installer un système de purification d’eau indispensable pour les études géochimiques et microbiologiques et des salles propres ou au moins des hottes à flux laminaires performantes sur tous les navires
- Mettre en œuvre de la R&D pour le traitement de données et de l'information (automatisation, validation, extraction d'informations utiles, approche multi-échelle) pour les acquisitions en route et pour les observatoires.
- Le SHOM exprime également des besoins en outremer pour un navire équipé d’un SMF et capable de projeter une vedette hydrographique petit-fonds.
2.4.3. Le matériel embarqué
Plusieurs besoins d’équipements et améliorations fonctionnelles sont proposés :
- Pérenniser et améliorer les moyens communs existants dans les parcs avec accès à tous ces moyens quelle que soit la tutelle, avec un soutien pour la mise en œuvre du matériel. Le besoin d’une liste consolidée de cette instrumentation commune existante est clairement exprimé. Cela s’accompagne de la mobilisation de moyens budgétaires pour garantir, dans la durée, la qualité et le bon fonctionnement des équipements communs, mais également l'évolution de tous les outils (OBS, sismique, carottage, capteurs physiques, bio-optiques, géotechniques et chimiques in-situ, etc.,…).
- Mettre à disposition le matériel mobile indispensable pour la caractérisation non-destructive des carottes sédimentaires (matériel installé dans un conteneur mobile comprenant : photographie, spectro-colorimètrie, vitesse, gamma-densité, susceptibilité magnétique, radiographie, scanner XRF) ;
- Réaliser un système opérationnel de sismique multitraces tractée près du fond, sur la base du prototype « SYSIF» réalisé en 2014, afin de permettre une identification infra-métrique des déformations sédimentaires présentes dans les sédiments superficiels par toutes profondeurs d'eau et ce avec une précision inégalée;
- Mettre en place un dispositif de forage télé-opéré en entamant une réflexion sur la possibilité d’obtenir un tel outil au sein de la FOF ou via des accords avec des partenaires européens (Exemple : British Geological Survey).
- Développer des capteurs chimiques in-situ permettant de tracer l’impact des flux hydrothermaux sur la colonne d’eau et le développement des écosystèmes marins ; ceci implique aussi de palier aux lacunes instrumentales entre le prélèvement de fond du flux hydrothermal –i.e. seringue Titane étanche, PEPITO et celui de la colonne d’eau via une rosette CTD propre.
- Acquérir un wave glider pour la communication avec les sites fond de mer. Ce glider serait à opérer par la DT INSU.
- La standardisation des protocoles entre campagnes halieutiques et écosystémiques génère positivement une mutualisation de l'instrumentation (CTD, rosette, Ferry-box et Pocket Ferry-box, capteurs bio-optiques automatisés, Zoocam, etc.). Il s'avèrerait judicieux qu'une partie des moyens soit maintenu à bord ou stocké par Genavir, qui pourrait pour partie en assurer la maintenance et l'étalonnage annuels.
- La plongée autonome au-delà de 60 m (limite de la plongée autonome à l’air) va se développer avec la nécessité de mesures spécifiques de sécurité (caisson décompression à bord).
- En halieutique, l’application des règles d’éthique quant à l’euthanasie des animaux pour des raisons scientifiques s’appliquera dans le futur aux échantillonnages de poissons lors des campagnes halieutiques. Cela pousse à une évolution des moyens d'observation en halieutique avec soit la mise en place de systèmes d’euthanasie « propres » à bord (ex. : bains d’anesthésiant sur-dosé) pour l’échantillonnage direct soit avec la généralisation de moyens d’observation non-invasifs (acoustique, video, eDNA) dont certains restent à inventer.
2.4.4. Les observatoires
Une caractéristique importante des observatoires (réseaux de stations ou stations fixes, sites instrumentés) est le retour régulier sur des régions géographiques sélectionnées. Cela implique de facto une définition à long terme de zones de travail et de la mobilité géographique des navires et des engins qui peuvent y être associés (ROV Victor, AUVs et HOV Nautile). Bien que ces programmations récurrentes conduisent à des contraintes pour l’attribution de jours de mer sur les navires de la flotte française, la reconnaissance de ce besoin par les instances d’évaluation a été une avancée significative qu’il est indispensable de maintenir.
Le développement de nouveaux outils et le besoin d’appréhender l’écosystème marin dans son ensemble (du système physico-chimique aux communautés biologiques) tendent à faire évoluer les stratégies d’observation long-terme vers :
- des approches pluridisciplinaires et multi-outils
- l’utilisation d’engins lourds (Nautile, Victor, sismique multitraces, pénétromètre)
- l’utilisation de parcs d’instruments en grand nombre (profileurs, OBS, gliders…)
- des interventions régulières, que ce soit pour la mise en œuvre d’observatoires permanents en domaine pélagique côtier et du large, et en milieu profond (programme ex EMSO), pour l’enchaînement d’études sur un chantier (dont PIRATA, MOOSE, OISO, SURVOSTRAL….)
- la réalisation de mesures automatiques sur sites ateliers (mouillages instrumentés), sur engins dérivants (flotteurs, gliders, AUV), à partir d’instruments embarqués
- un regain d’intérêt pour la zone côtière et le plateau continental avec utilisation de mesures automatisées réalisées en continu entre la côte et les marges continentales (et au-delà)
- l’absence de possibilité d’avoir des SNO pour les équipes INEE, par exemple pour les campagnes récurrentes qui sont réalisées tous les ans autour des Kerguelen (THEMISTO, REPCOOAI) et qui ne peuvent pas prétendre à une labellisation, ce qui leur éviterait de devoir resoumettre un dossier tous les ans.
Le besoin essentiel de travailler sur l'intersection côte-large, notamment sur l'ensemble du plateau continental dans le Golfe de Gascogne et aussi au large en Manche-Mer du Nord, mers Celtiques, mer Méditerranée (MOOSE) nécessite un navire possédant une grande autonomie (20-30 jours) et de taille suffisante afin de s'affranchir au maximum des conditions météorologiques et pour embarquer la quantité de matériel nécessaire pour les opérations de maintenance de mouillages (ex. : 5 mouillages MOOSE + 2 bouées Météofrance). L’utilisation de navires plus petits est désormais impossible, ou imposerait une logistique appropriée compliquée et très couteuse (plusieurs escales avec matériels de mouillages expédiés dans les ports d’escale). Le besoin actuel est un navire semi-hauturier équipé de capacité de levage adaptée pour la maintenance des bouées de surface et lignes de mouillages profonds et pouvant embarquer env. 15 personnes.
Les navires de recherche hauturiers sont équipés d’appareils permettant l’acquisition en route et la transmission d’observations en temps réel vers le centre Coriolis. La procédure est opérationnelle et doit être maintenue pour les thermo-salinomètres, ADCP de coque et stations météo automatiques. De nouveaux capteurs pourraient y être associés. Les services d‘observation sont très demandeurs de ces mesures d’accompagnement qui peuvent être fournies par ces instruments.
En zone côtière, ou à l’échelle de petits bassins, une action similaire se met en place avec les « Ferry-Box ». Les avancées techniques et l’intérêt croissant d’autres disciplines pour les mesures en route nécessitent la prise en compte d’autres paramètres et l’extension à d’autres paramètres (pCO2, cytométrie en flux, autres mesures bio-optiques). Des systèmes de prise d’eau libre sont également souhaitables.
La maintenance de tels réseaux instrumentaux est lourde et doit être structurée pour garantir la qualité de la mesure et la pérennité des séries temporelles : sélection des plateformes appropriées, choix des paramètres pertinents, identification des équipes maintenance et validation, crédits récurrents associés.
Cette structuration pourrait sans doute être élargie aux navires d’opportunité pour la réalisation des radiales régulières, souvent inaccessibles par les navires de recherche. Ces démarches, actuellement à la charge des équipes de recherche, seraient certainement plus aisées si elles étaient traitées au niveau des organismes.
En outre-mer, l’absence d’observatoire national devra à terme être comblée car ces territoires sont particulièrement impactés par le changement climatique (zone polaires et tropicales).