Paléoclimat et paléoenvironnement

Remonter le temps, pour mieux comprendre le présent et anticiper le futur, c’est ce à quoi s’emploient les paléoclimatologues. Pour reconstituer les variations climatiques passées enregistrées dans les sédiments déposés dans les fonds marins, ils pratiquent des carottages. Ces échantillons de sédiments sont prélevés à l’aide d’outils, au premier rang desquels figure le Calypso : un carottier à piston géant dont le tube peut mesurer jusqu’à 70 mètres. Mettre en œuvre un tel instrument, dans sa version la plus aboutie, n’est aujourd’hui possible que sur le Marion Dufresne. « C’est le bateau sur lequel nous organisons l’essentiel de nos campagnes », confirme Viviane Bout-Roumazeilles.

Directrice de recherche CNRS au laboratoire d’Océanologie et de Géosciences de Lille, Viviane Bout-Roumazeilles a animé le groupe de travail « Paléoclimat et paléo-environnement », dans le cadre de la démarche « Imaginons la Flotte océanographique française à l’horizon 2035 ». « La question qui a occupé une grande place dans nos discussions, c’est celle de l’après Marion Dufresne. C’est un navire emblématique, et son remplacement constitue un véritable défi. Cette échéance suscite une réelle inquiétude au sein de notre communauté. Il est en effet nécessaire, pour répondre aux questions prégnantes sur le changement climatique, que la communauté scientifique puisse réaliser des carottages de très grande longueur sur au moins un des navires de la flotte, sans contrainte géographique », rappelle Viviane Bout-Roumazeilles.

Quoi qu’il arrive, les paléoclimatologues sont conscients que des évolutions seront nécessaires pour réduire l’impact environnemental des activités de recherche à bord des navires océanographiques. « Nous sommes bien évidemment prêts à mutualiser les efforts que nous avons déjà entrepris », affirme-t-elle. Reste à déterminer comment améliorer les initiatives en place. « On parle de réduire la vitesse des bateaux. Mais cela signifierait augmenter la durée des campagnes à objectifs scientifiques constants, et cela aurait des répercussions, dont il faut tenir compte, sur les activités des enseignants-chercheurs ». Si la téléprésence et la propulsion vélique semblent également inadaptées au carottage long, la mutualisation des campagnes et la valorisation des transits font en revanche partie des pratiques qui pourraient être développées. Viviane Bout-Roumazeilles l’a d’ailleurs expérimenté, en effectuant des mesures atmosphériques sur la route entre l’île de La Réunion et le Brésil, en 2023, lors de la campagne Amaryllis-Amagas.

Faciliter l’accès aux données déjà acquises, pour mieux les exploiter, figure également parmi les propositions. Des cyber-carothèques et des banques de données existent déjà mais elles auraient besoin d’un support en ressources humaines. « Certains scientifiques sont même prêts à renoncer à demander de nouvelles campagnes pour réduire leur impact environnemental. C’est un choix personnel radical. Mais il a le mérite de prouver que nous ne sommes pas figés dans le passé », conclut Viviane Bout-Roumazeilles.