Campagne Chereef : Coraux d'eau froide et neige marine
Du 4 août au 5 septembre 2021, le navire océanographique Thalassa emporte à son bord une équipe scientifique de l'Ifremer ainsi que l'artiste Nicolas Floc'h* afin d'ausculter les coraux d'eau froide du golfe de Gascogne.
Première d'une série de six, la mission océanographique Chereef 2021 conduite par les chefs de mission Julie Tourolle et Lénaïck Menot, chercheurs** à l'Ifremer, a largué les amarres au départ de Brest le 4 août 2021. Cap sur le canyon de Lampaul, dans le golfe de Gascogne, à 300 kilomètres au large de la Bretagne. C'est ici, sur le talus continental, à plusieurs centaines de mètres de profondeur dans des zones de courants forts et à turbidité élevée, qu'abondent les coraux d'eau froide. Différents de leurs homologues tropicaux, ils se nourrissent de la neige marine − détritus organiques marins − provenant de la surface des océans, ou de plancton animal.
Bouquets épars
Repérés lors des grandes expéditions naturalistes du Prince Albert 1er de Monaco à la fin du XIXe siècle, les massifs de coraux du golfe de Gascogne sont décrits en 1948 par Édouard Le Danois dans son ouvrage Les Profondeurs de la mer. Ce dernier porte notamment l'accent sur le massif du haut-fond de la Chapelle “qui occupe une surface de 2600 milles carrés et élève une muraille en forme de croissant entre 170 et 1000 mètres, sur la pente atlantique et le bord du plateau continental”. Si l'exploration plus récente a révélé l'existence de nombreux habitats coralliens, il ne reste guère de trace des massifs décrits au XXe siècle. Il s'agirait plutôt, selon Julie Tourolle, “de bouquets épars bien vivants au-delà de 650 mètres de profondeur mais morts ou à l'état de débris à des profondeurs plus faibles”.
Observatoire fond de mer
Les menaces d'origine humaine sont nombreuses. Or, le temps de récupération de ces écosystèmes est très long. D'où l'importance et la nécessité de les étudier plus en détail pour mieux les préserver, voire les restaurer. “Nous allons cartographier finement notre zone d'étude et le submersible Ariane nous permettra d'identifier le meilleur emplacement pour installer notre observatoire fond de mer à 800 mètres de profondeur.” Ce dispositif permettra de filmer 15 mn par jour pendant 5 ans un récif de coraux et d'observer le comportement des polypes et de la faune associée.
La couleur de l'eau
À la croisée des arts et de la science, cherchant à traduire l'évolution des eaux du monde, des paysages sous-marins, de la biodiversité visible et invisible, l'artiste plasticien Nicolas Floc'h a embarqué lors du premier leg de la mission Chereef 2021 afin de poursuivre son travail original Initium Maris. “J'ai la chance de pouvoir adapter spécialement pour cette mission un de mes appareils photographiques sur le robot sous-marin Ariane ! Cette fois-ci, je ne travaillerai pas en lumière naturelle, mais je profiterai des “phares” d'Ariane pour éclairer les paysages.”
Parvenant à réunir “le romantisme de l'exploration marine et l'urgence de l'activisme environnemental souvent en un seul clic de son appareil-photo sous-marin***”, Nicolas Floc'h s'attache également à réaliser “des images sur toute la colonne d'eau et au-delà de la zone photique, là où il n'y a plus de lumière, dans les abysses à plus de 1000 mètres de profondeur”. Un témoignage rare de la vie des profondeurs qui transparaît à travers la couleur de l'eau.
Embarqué à bord du Thalassa durant le premier leg de la mission Chereef 2021, l'artiste plasticien Nicolas Floc'h a obtenu grâce à une savante installation de son appareil photo sur le robot Ariane des images panoramiques exceptionnelles des grands fonds entre 700 et 1800 mètres.
* Nicolas Floc'h a embarqué durant le 1er leg de la mission, soit jusqu'au 24 août.
** Julie Tourolle est ingénieure de recherche en cartographie des habitats et Lénaïck Menot, chercheur au laboratoire Environnement profond, à l'Ifremer
*** Christina Catherine Martinez, exposition “La Mer imaginaire”, Fondation Carmignac, 2021.
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Le projet Chereef (Characterization and Ecology of Cold-water Coral Reefs), dans le cadre du projet européen Marha, vise à décrire et comprendre le fonctionnement des coraux d’eau froide dans le golfe de Gascogne.