Campagne FocusX1 : Une nouvelle technique de mesure de l'activité sismique sous-marine

La première campagne du projet européen Focus s'est déroulée du 7 au 20 octobre 2020 au large de la Sicile, en mer Ionienne, le long d'une faille sous-marine active. Les techniques innovantes déployées avec succès, jamais tentées jusqu'alors, détecteront les faibles mouvements de l'écorce terrestre et permettront d'appréhender les aléas sismiques.

Plus des deux tiers de la surface de la Terre sont recouverts par les océans, ce qui les rend inaccessibles aux réseaux de surveillance sismologique. Or, on a démontré récemment que les câbles de télécommunication de fibres optiques à la fois sur terre et en mer peuvent permettre de détecter des tremblements de terre. C'est là tout l'enjeu du projet Focus*, lauréat d'une bourse européenne ERC (European Research Council) en 2018. Jusqu'en 2023, plusieurs campagnes océanographiques devraient mener à bien ce projet ambitieux. La toute première, FocusX1, s'est déroulée en octobre dernier avec succès.

Une campagne inédite

Le 7 octobre, le navire de recherche le Pourquoi pas ? a appareillé pour une campagne océanographique inédite. À son bord, l'équipe de scientifiques du laboratoire Géosciences Océan du CNRS, de l'unité de recherche Géosciences marines de l'Ifremer, de l'Institut de physique de Catane et de l'université de Catane. Après avoir passé les Bouches de Bonifacio, ils sont parvenus sur site, au large de la Sicile, le 9 octobre. C'est ici au pied du Mont Etna que les opérations ont débuté.

Une technologie de réflectométrie laser

Des séismes destructeurs frappent régulièrement cette région du Sud de l’Italie comme en 1693 à Catane (40.000 morts) et en 1908 à Messine (72.000 morts). Et c'est à même la faille sous-marine Alfeo Nord, qui représente potentiellement une menace pour la région de Catane abritant un million d’habitants, qu'un câble en fibre optique a été connecté à l'observatoire EMSO** de l'Institut de physique de Catane. Il a ensuite été déployé sur six kilomètres, en employant une charrue spécifiquement conçue par l'Ifremer. Une opération extrêmement délicate, conduite par le véhicule sous-marin télécommandé Victor 6000, à 2000 mètres de fond, sur un terrain très escarpé. Huit stations géodésiques fond de mer, fabriquées par iXblue à Plouzané, testées en rade de Brest, ont ensuite été installées de part et d’autre de la faille. Ce dispositif qui s'appuie sur une technologie de réflectométrie laser appelée BOTDR, pour Brillouin Optical Time Domain Reflectometry, permettra de mesurer les déplacements des plaques tectoniques et de suivre ainsi l'activité sismique. Cette technologie habituellement employée pour analyser les mouvements des grandes infrastructures comme les ponts ou les barrages hydroélectriques, repensée, adaptée à un nouvel usage, présente l'avantage considérable de mesurer les déplacements des failles.

Détecter les mouvements de la faille

“Ce suivi pourra améliorer notre estimation de l'activité de la faille Alfeo Nord et du risque qu’elle pose aux populations riveraines et pourra éventuellement contribuer à mettre en place un système d’alerte”, précise Marc-André Gutscher, directeur du laboratoire Géosciences Océan (LGO) à l'Institut universitaire européen de la mer (IUEM) à Brest, chef du projet ERC Focus et chef de mission de la campagne FocusX1. Depuis le 16 octobre, de la lumière laser est envoyée à intervalles réguliers dans le câble de six kilomètres de long enfoncé dans le sédiment. “Nous espérons ainsi détecter des mouvements de la faille d'un à deux centimètres. Si cette méthode fonctionne, nous pourrions l'appliquer à d'autres failles en Europe. Parvenir à une meilleure compréhension de leurs comportements permettra de réduire les risques sismiques.”

Un projet ERC

Ces recherches et les instruments optiques et acoustiques dédiés pour assurer le suivi de la faille sont financés par une bourse européenne ERC (European Research Council) dotée de 3,5 millions d'euros.

Les partenaires du projet :

 

→ Pour aller plus loin, consultez également l'article du CNRS.

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*Focus : Fiber Optic Cable Use for Seafloor studies of earthquake hazard and deformation

**Observatoire EMSO : European Multidisciplinary Seafloor and Water Column Observatory