Programmation 2023 : des campagnes ambitieuses pour la compréhension de l’océan
La Flotte océanographique française a annoncé le calendrier des campagnes pour l’année 2023. Celle-ci se distingue par des campagnes scientifiques de grande ampleur impliquant la coordination de plusieurs navires pour l’observation de l’océan depuis l’espace et l’étude de son rôle dans le cycle du carbone.
« Le complément de budget alloué par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au titre de l'enveloppe « Energie » permet à la Flotte océanographique française de programmer, cette année encore, l’ensemble des missions scientifiques prioritaires et de maintenir une activité à un niveau habituel, précise François Houllier, Président-Directeur général de l’Ifremer. Ce soutien renouvelé de nos tutelles marque l’importance accordée à cette très grande infrastructure de recherche dans le paysage scientifique français. »
« L’année 2023 est marquée par des campagnes scientifiques ambitieuses qui s’accompagnent de défis logistiques, souligne Olivier Lefort, Directeur de la Flotte océanographique française. Pour la première fois, nous allons réaliser des missions impliquant plusieurs navires océanographiques, mais également la coordination de navires et d’un satellite. »
Quatre campagnes couplées aux mesures d'un satellite d'observation de l'océan
Le lancement d’un satellite d’observation de la Terre en décembre dernier a marqué le début de la mission internationale SWOT (Surface Water and Ocean Topography, « topographie des eaux de surface et des océans »), co-pilotée par le CNES et la NASA. Quatre campagnes océanographiques sont prévues au cours de l’année 2023 dans le cadre de ce projet, pour un total de 133 jours de mer, afin d’améliorer la qualité des données et leur exploitation pour une meilleure compréhension de l’océan, de sa dynamique et de son rôle dans la machine climatique.
En Méditerranée, deux campagnes seront menées en parallèle sur L’Atalante (PROTEUS SWOT, pilotée par le Shom) et sur le Tethys 2 (C-SWOT, par l’Ifremer) de mars à avril afin d’apporter des données in situ pour participer à la validation et à la calibration des mesures effectuées par satellite. En mai, une troisième campagne (BIOSWOT-MED, pilotée par le CNRS) s’appuiera sur les données collectées depuis L’Atalante et par le satellite pour étudier l’impact de la dynamique océanique sur la diversité de plancton.
En Nouvelle-Calédonie, la mission SWOT ALIS (pilotée par l’IRD) sera opérée à partir de mars sur l’Antéa, qui a rejoint Nouméa en décembre 2022, son nouveau port d’attache. Les données obtenues par le satellite permettront d’étudier le phénomène de marée interne, qui se manifeste par des oscillations au sein de l’océan sans mouvement de la surface.
Deux navires pour étudier la pompe biologique de carbone
A l’heure actuelle, il est difficile d’équilibrer le bilan entre les apports de carbone organique sous forme de sédiments depuis la surface, où il est produit par photosynthèse, et les besoins de la faune mésopélagique (de 200 à 2000 mètres de profondeur). Pour réconcilier ces estimations, deux navires se rendront dans la mer Celtique cet été, après la période des efflorescences de phytoplancton, pour lever ces incertitudes sur le fonctionnement de « la pompe biologique » de carbone (campagne APERO, pilotée par le CNRS). Le Thalassa effectuera des prélèvements dans la zone d’étude, pour assurer une couverture régionale, alors que le Pourquoi pas ? effectuera en parallèle des mesures stationnaires afin d’étudier plus finement les processus impliqués, avec le déploiement d’appareils autonomes et de flotteurs Bio-Argo.
Comprendre le rôle de la rivière amazonienne sur l'océan mondial avec le Marion Dufresne
Fort de son équipement, unique au monde, lui permettant de réaliser de longues carottes de sédiments, le Marion Dufresne se rendra en mai entre le Brésil et la Barbade pour réaliser des prélèvements dans le cône d’alluvions formé par les dépôts de l’Amazone. A lui seul, ce fleuve apporte un sixième de l’eau douce rejetée par les fleuves du monde entier dans les océans. Pour mieux comprendre le rôle du bassin amazonien dans le climat mondial, cette mission (fusion des campagnes AMARYLLIS et AMAGAS, pilotée par le CNRS) veut identifier les variations de climat de la région jusqu’à un million d’années dans le passé et les influences extérieures, telles que les poussières en provenance du Sahara qui ont fertilisé la forêt amazonienne. Ces prélèvements permettront également de mieux comprendre le rôle des hydrates de gaz dans le relargage de carbone, via des processus d’échappement de fluides depuis les fonds marins, et le déclenchement de glissements de terrain de grande ampleur.
Evaluer les populations de poissons
Douze missions auront lieu au cours de l’année pour évaluer les populations de poissons, dans la Manche, le golfe de Gascogne et la Méditerranée. Ces missions d’intérêt public majeur viennent en appui à la politique commune de la pêche au niveau européen. Comme chaque année, plusieurs navires contribuent à ces campagnes, notamment le Thalassa, l’Europe et le Thalia.
A propos de la Flotte océanographique française
Présente sur toutes les mers du monde, forte de ses 4 navires hauturiers, 6 navires semi-hauturiers et côtiers, 7 navires de station et de ses engins sous-marins capables d’intervenir jusqu’à 6000 m de profondeur, la Flotte océanographique française (FOF) est l’une des 3 plus importantes flottes de recherche européennes avec celles de Grande-Bretagne et d’Allemagne. Unifiée depuis janvier 2018, elle est opérée par l’Ifremer au bénéfice de l’ensemble de la communauté scientifique française concernée. Elle s’appuie sur le savoir-faire et les compétences, d’une part, de la direction de la Flotte océanographique (DFO) de l’Ifremer (80 personnes) qui est en charge de sa programmation et de son développement technologique, et, d’autre part, de la SASU Genavir, compagnie d’armement filiale de l’Ifremer (350 personnes).
Plus de 3500 chercheurs, ingénieurs et techniciens de la communauté scientifique (universités marines, Ifremer, CNRS, IRD, Museum national d’Histoire naturelle, Institut de physique du globe de Paris…) utilisent les navires et équipements de la FOF. Chaque année, environ 300 nouvelles publications se nourrissent ainsi des données récoltées lors de ces campagnes menées en mer.
Cette très grande infrastructure de recherche (IR*) polyvalente réalise également des missions d’intérêt public pour l’évaluation des ressources halieutiques et pour l’observation et la surveillance des milieux côtiers. Chaque année, ses campagnes permettent ainsi d’éclairer les instances nationales et européennes chargées de fixer des quotas de pêche. Dans le cadre d’un partenariat de long terme avec la Marine nationale autour du Pourquoi pas ? (navire financé à 45% par le ministère des Armées), la FOF réalise également des missions au profit du Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM).
Pour améliorer les performances technologiques de la Flotte et proposer à ses utilisateurs des équipements de pointe, capables de toujours mieux observer, comprendre et protéger l’océan, la direction de la Flotte océanographique consacre des moyens dédiés à l’innovation. Partagées entre Brest et Toulon, des équipes d’ingénieurs et techniciens se chargent ainsi de concevoir des instruments et systèmes sous-marins nouveaux, de développer des logiciels d’acquisition et de traitement des données, ou encore de mener une activité de R&D autour de l’usage des équipements acoustiques.