Campagne Haïti-Twist : Une nouvelle lecture des séismes et des tsunamis dans les Caraïbes
En 2010 et 2021, des tremblements de terre d'une magnitude supérieure à 7 sur l'échelle de Richter causent des centaines de milliers de victimes en Haïti. Mais pourquoi ces séismes ? Notre modèle classique de la tectonique des plaques n’explique pas l’origine de la faille qui serait à l’origine de ces événements catastrophiques. Du 31 mai au 22 juillet, la campagne multi-disciplinaire Haïti-Twist à bord du Pourquoi pas ?, conduite par Walter Roest, Chastity Aiken, tous deux à l’Ifremer, et Boris Marcaillou (GéoAzur), étudiera les aléas associés au système de failles jumelles actives qui borde Haïti. Rencontre avec Walter Roest, chercheur en géodynamique et Chastity Aiken, chercheuse en sismologie, au sein de l’UMR Geo-Ocean.
En quoi consiste la campagne Haïti-Twist ?
Des observations récentes et les enregistrements paléosismologiques montrent que le système de failles transformantes jumelles qui délimite Haïti – la faille Septentrional-Oriente au nord et la faille Enriquillo-Plantain Garden au sud - a produit des tremblements de terre majeurs et des tsunamis dévastateurs. Cependant, nous en savons très peu sur l'âge et l'origine de ces failles, leurs structures, leurs modes de rupture, ou même le rôle des fluides dans leur fonctionnement. Ce sont pourtant des caractéristiques fondamentales pour analyser leur potentiel à produire des séismes et des tsunamis futurs.
Une cartographie des failles a-t-elle déjà été effectuée par le passé ?
Plusieurs campagnes scientifiques ont cartographié le relief du fond marin dans la zone des failles et les parties peu profondes des bassins sédimentaires. Nous prévoyons, quant à nous, d'imager les différents blocs tectoniques impliqués dans cet environnement géodynamique jusqu'à 40 kilomètres de profondeur dans la croûte terrestre. Nous effectuerons également des mesures de flux de chaleur à proximité des failles et des analyses des fluides présents dans la croûte terrestre que nous échantillonnerons. Nous nous intéresserons également aux échappées de fluides grâce à des moyens acoustiques.
Une technologique nouvelle sera-t-elle employée ?
Nous n'employons pas de technologies qui n'ont jamais été utilisées auparavant, mais une combinaison de différentes méthodes. Nous allons ainsi déployer des sismomètres sur les fonds marins à des profondeurs variant entre 500 et 5 000 mètres à proximité des failles. Ceux-ci enregistreront durant une année tous les mouvements qui surviendront et qui ne peuvent être captés par le réseau de sismomètres terrestre, car trop petits. En tant que sismologues, nous chercherons à identifier les différents types de séismes, rapides ou lents, à même de se produire en lien avec cette faille.
Nous allons également prélever des carottes sédimentaires à proximité, afin de saisir s’il existe des corrélations qui nous permettraient de mieux comprendre la cadence et le temps de récurrence des séismes au-delà de ce que l’on connaît de l’histoire humaine. L’événement le plus vieux que l’on a en mémoire date de1750. Des carottes de douze mètres pourront nous faire remonter le temps et l’histoire jusqu’à 10 000 ans.
Qu’espérez-vous trouver ?
Nous espérons repérer de petits tremblements de terre non détectés par les réseaux terrestres, la structure des failles en profondeur, la distribution du flux de chaleur autour des failles, mais les premiers résultats de la campagne proviendront probablement des carottes sédimentaires qui seront analysées à bord du Pourquoi pas ?. Les sédiments représentent un enregistrement des événements géologiques passés et aident à établir un registre géologique des tremblements de terre plus anciens que ceux rapportés historiquement par l'homme. Nous pourrions ainsi déterminer si la plupart des mouvements tectoniques le long de ces failles se produisent lors des événements catastrophiques ou plutôt de façon graduelle.