Interview. Campagne PELGAS 2019
Dans le golfe de Gascogne, 33 jours à bord du Thalassa :
Mission PELGAS (contraction de pélagique et gascogne)
Chefs de mission : Mathieu Doray et Erwan Duhamel
Du 25/04 au 27/05
Chaque année, depuis 2000, la campagne PELGAS part étudier les petits poissons pélagiques, c’est-à-dire les anchois, les sardines, les maquereaux et les chinchards ; espèces les plus pêchées sur la façade atlantique.
Les missions PELGAS répondent à la fois à un objectif de suivi des espèces et à un objectif d’évaluation de l’état des écosystèmes marins pour l’Union Européenne (directive cadre européenne Stratégie sur le Milieu Marin - DCSMM).
Les recherches menées concernent autant la surveillance et la modélisation d'écosystèmes pélagiques, que l'écologie de l'anchois et de la sardine, l'acoustique halieutique et l'agrégation (le regroupement) des petits poissons pélagiques. Le développement d’équipements est aussi au cœur de ces campagnes.
Ainsi, l’'équipe scientifique de PELGAS est pluridisciplinaire : échantillonnage de l'environnement physico-chimique (océanographie), du phyto et zoo-plancton (planctonologie), des petits poissons pélagiques (halieutique et acoustique) et des mammifères et oiseaux marines (cétologie et ornithologie). S’y adjoignent des techniciens mettant au point des équipements innovants pour la surveillance des écosystèmes.
Sur la Toile
Numéro spécial de la revue Progress in Oceanography, rassemblant une quinzaine d’articles basés sur les données collectées sur PELGAS depuis 15 ans.
Pourquoi avoir choisi la période du printemps pour vos campagnes ?
La campagne est réalisée au printemps, afin de profiter du fait que les anchois et les sardines se concentrent dans le golfe de Gascogne pour se reproduire à cette période. Ceci permet d’évaluer précisément l’abondance de ces deux espèces au moyen de deux méthodes indépendantes : l’acoustique halieutique et le comptage des œufs de poissons au moyen de la pompe CUFES. Les estimations d’abondance produites par ces deux méthodes sont ensuite comparées, afin d’augmenter la robustesse des résultats.
Quels sont les équipements à bord du Thalassa qui vous ont permis de mener à bien cette campagne ?
Les campagnes PELGAS ont lieu depuis 2000 sur Thalassa car c’est le seul navire qui dispose d’un équipement d’acoustique halieutique de pointe (sondeurs multifréquence, multifaisceaux, large bande…), d’engins de pêche performants (chaluts pélagiques), d’une pompe CUFES, et de suffisamment de place pour accueillir l’équipe pluridisciplinaire qui travaille jour et nuit sur le navire.
Quels protocoles utilisez-vous pour échantillonner l’écosystème ?
Quatre équipes travaillent de jour et de nuit, afin de collecter un maximum de paramètres sur chaque composante de l’écosystème.
L'équipe acoustique opère de jour en continu des échosondeurs scientifiques le long de radiales parallèles couvrant l'ensemble du plateau continental du golfe de Gascogne. Les sondeurs renseignent en temps réel sur les patrons spatiaux et l'abondance des organismes pélagiques, du plancton jusqu'aux poissons. Lorsque des cibles de poissons sont détectées, une pêche au chalut pélagique est réalisée afin de les identifier.
L'équipe de biologistes-halieutes traite les captures et fournit les paramètres biologiques des petits poissons pélagiques adultes. De jour, l'équipe des hydrobiologistes compte en continu les œufs d'anchois et de sardine récoltés par le système de pompage de surface CUFES le long des radiales pour caractériser la ponte ; de nuit, ils réalisent des profils bathysonde pour caractériser l'environnement hydrologique, ainsi que des pêches planctoniques. Enfin, l'équipe des observateurs dénombre de jour les oiseaux et mammifères marins autour du navire.
Depuis 2007, pendant la campagne PELGAS, le navire Thalassa est accompagné par des navires de pêche professionnels qui réalisent des pêches complémentaires, afin d'améliorer le taux d'identification des cibles acoustiques de petits poissons pélagiques.
Cette collaboration exemplaire entre scientifiques et pêcheurs permet d'aboutir à un diagnostic partagé sur l'abondance des ressources évaluées lors de PELGAS.
Quel premier bilan pouvez-vous dresser de cette campagne ?
La campagne PELGAS a permis de suivre finement l’évolution des populations de petits poissons pélagiques dans le Golfe de Gascogne depuis 20 ans. La campagne a fourni des éléments scientifiques indispensables à la gestion des pêcheries d’anchois et de sardine de la zone. PELGAS a notamment permis de détecter l’effondrement, puis la reconstitution, suite à la fermeture de la pêcherie, de la population d’anchois entre 2003 et 2010, et la baisse de la taille des jeunes anchois et sardines depuis 2007.
La campagne PELGAS a permis le développement depuis 2000 d’une stratégie d’échantillonnage intégré de tout l’écosystème pélagique à partir d’un navire de recherche. La campagne a été pionnière dans la surveillance des écosystèmes marins, ouvrant la voie au suivi de l’état des écosystèmes marins initié par l’Europe dans le cadre de la DCSMM.
La campagne a fourni des données permettant de mieux comprendre l’hydrologie, les communautés planctoniques, les dynamiques des populations , leurs habitats, leur dynamique spatio-temporelle et leurs cycles de vie et la mégafaune (cétacés et oiseaux) du golfe de Gascogne. Des travaux de synthèse de ces informations ont permis de définir des grands « paysages écosystémiques » dans le golfe de Gascogne et de reconstruire la trajectoire temporelle de l’écosystème pélagique depuis 2000.