CassiSed 2019. Les boues rouges comme marqueur du transport sédimentaire

La campagne CassiSed (Processus et enregistrements hydro-sédimentaires dans le canyon de Cassidaigne)  s’est déroulée

à bord de L’Europe du 04 au 08 mars, puis du 04 au 25 avril et du 25 au 29 août

à bord du Téthys II du 30 août au 01 septembre 2019, dans le Golfe du Lion.

Chef de mission : Bernard Dennielou, Ifremer,  GM (Géosciences Marines)

 

Les canyons sous-marins sont les lieux privilégiés des transferts sédimentaires entre la  terre et  la mer car ils facilitent les échanges entre le plateau et le pied de pente. Ils sont le siège de processus hydro-sédimentaires complexes tels que la marée, des ondes internes, de montées et descentes de masses d’eau et des courants de densité chargés en sédiments.

Dans le cycle sédimentaire, la campagne CassiSed s'inscrit dans la thématique « contourites », à savoir les sédiments présents sur la pente continentale, dont le dépôt et les caractéristiques sédimentaires sont essentiellement contrôlés par les courants géostrophiques* le long des marges continentales, alors nommés « courants de contour ».

Le canyon de Cassidaigne a été choisi comme site d'étude car il est caractérisé par un dynamisme saisonnier sous la forme d'épisodes de remontée d’eau froide  (upwelling) et de descente (downwelling) des masses d’eau, ainsi que par la présence du courant géostrophique* Liguro-Provençal dont l'intensité et la localisation fluctue également avec les saisons. Ces conditions sont propices à la remobilisation des sédiments sous l'influence de courants de fond.

Entre 1967 et 2015, l’usine d’alumine de Gardanne a rejeté dans le canyon de Cassidaigne des résidus solides de traitement de la bauxite, appelés « boues rouges ».

Ces rejets, très différents des sédiments naturels, se remarquent facilement sur le fond et représentent ainsi un marqueur physique et temporel facilement identifiable. Leur présence dans les prélèvements est un témoin remarquable, depuis 50 ans, du transport sédimentaire dans la tête du canyon et de leur répartition sous l'influence des courants de fond. Le canyon de Cassidaigne offre ainsi une conjonction unique entre des phénomènes hydro-sédimentaires importants et un stock sédimentaire artificiel « idéalement tracé» dont on connaît avec précision la localisation, la nature et la quantité, au-delà de tout système naturel envisageable et pouvant servir de marqueur.

 

Ainsi, l’objectif de la campagne CassiSed est d’utiliser les boues rouges comme traceur des processus hydro-sédimentaires dans le Canyon de Cassidaigne.

* courant géostrophique : courant marin résultant de l’équilibre entre la force de pression et la force de Coriolis.
 

Sur la Toile

https://campagnes.flotteoceanographique.fr/campagnes/18000904/fr/index.htm

et

https://campagnes.flotteoceanographique.fr/campagnes/18001262/fr/index.htm

La campagne CassiSed s’est déroulée en plusieurs temps. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

L’un des objectifs techniques de la campagne était d’obtenir sur une durée de 6 mois des mesures de courant, de température et de quantité de particules dans la colonne d’eau. Pour cela, au mois de mars, il a fallu déployer des instruments (courantomètres, pièges à particules, turbidimètres) disposés sur des lignes verticales ou posés sur le fond, puis nous les avons récupérés au mois d’août. Des levés bathymétriques et sismiques par AUV ont été planifiés en avril pour des contraintes de disponibilité des engins.

Lors des 4 legs, vous avez eu recours  à deux navires. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

L’Europe était le navire demandé car adapté aux travaux envisagés. Les mauvaises conditions météorologiques du mois de mai n’ont pas permis d’atteindre tous les objectifs de prélèvement de sédiments par carottier multitubes. La Direction de la Flotte océanographique française nous a accordé 3 jours de mer supplémentaires sur le Téthys II pour terminer notre programme de prélèvement. Les conditions météorologiques très clémentes nous ont permis d’atteindre nos objectifs.

Quel était pour vous l’intérêt d’utiliser l’AUV Asterx ?

Un AUV permet de descendre des outils de mesures près du fond. Déployer les sondeurs multi-faisceaux et sondeur de sédiments à environ 70 mètres du fond était indispensable pour atteindre la qualité de résolution nécessaire permettant de visualiser les structures morphologiques et sédimentaires que nous souhaitons étudier.

Nous disposions déjà d’une grille bathymétrique d’une maille de 10 mètres, les nouvelles acquisitions avec l’AUV nous ont permis d’obtenir une grille avec une maille de 2 mètres  (soit 25 fois plus d’information) et de voir ainsi des structures morphologiques invisibles auparavant.

Vous avez utilisé de nombreux instruments océanographiques lors de cette campagne, carottiers, mouillages, rosette, etc., pouvez-vous nous en dire plus sur ces instruments et à quoi ils vous ont servis ?

En plus des donnés acoustiques (bathymétrie et sismique) qui nous montrent la forme et la structure du fond, il est nécessaire de prélever des sédiments pour en déterminer la composition. On peut ainsi comprendre la source des dépôts et les processus hydrodynamiques qui y associés. Pour cela, nous avons utilisé un carottier à piston, qui a atteint une pénétration de 4 mètres, et un carottier multitubes qui pénètre peu (60 centimètres) mais préserve l’interface entre l’eau et le sédiment.

Les instruments de mesure déployés dans la colonne d’eau et sur le fond (les mouillages) permettent d’enregistrer les caractéristiques physiques et hydrodynamiques de l’eau.

Les pièges à particules et les prélèvements d’eau permettent de déterminer la quantité et la composition des particules en suspension, particulièrement pendant les périodes de fort hydrodynamisme, propices à des remises en suspension et au déplacement des particules de sédiment.

  

Vous avez effectué  19 opérations de carottage en 3 jours, lors de cette campagne. Est-ce beaucoup ?

Cela fait effectivement des journées bien chargées, mais cela a été facilité par des conditions météorologiques particulièrement clémentes.

Il est certainement trop tôt pour tirer un premier bilan de cette campagne, mais quel est votre premier sentiment ?

Les données acquises sont en cours de dépouillement, mais nous savons déjà que nous avons clairement visualisé et prélevé à la fois les dépôts et structures sédimentaires, ainsi que les événements hydro-sédimentaires recherchés.